Lange | LE PARADIS SECRET DE FRANÇOIS KERN | Lange -
07.01.2022 | Stories - Athletes

Balade Locale PAR FRANÇOIS KERN

 

 

J’aime skier. L’expression veut tout et rien dire à la fois.

 

On aime skier en montagne.

On aime skier avec ses potes.

On aime skier pour sentir la glisse.

On aime skier pour découvrir quelque chose de nouveau.

Et parfois, on aime skier pour repousser ses limites, pour se défouler, pour rapporter de belles images.

Ce jour-là, qui n’était pas le premier de l’histoire finalement, nous sommes avec Ben pour essayer d’aller visiter une ligne qui nous attire l’œil depuis quelques temps.

Sur la route qui monte juste au-dessus de chez nous, en direction d’une petite station locale où nous avons tous les deux appris à skier, où nous avons découvert la poudre, les forêts, les lignes cachées, et où nous continuons à aller skier depuis 30 ans ; sur la route nous observons encore cette petite ligne qui semble se dessiner sur un relief en contrebas de la station.

 

Nous l’observons encore. Remarquée depuis longtemps, et remarquée par d’autres, puisqu’elle est visible depuis mille endroits, et surtout, accolée à deux itinéraires assez classiques de cette bosse.

Nous y étions deux semaines auparavant, nous l’avions observée le matin même, nous avions nos jouets pour tenter l’itinéraire, mais les conditions de neige peu engageantes nous avaient repoussés dans une des pentes connexes.

Ben y était aussi la veille, descendu sur les premiers mètres, il avait pu juger la qualité de la neige, répéter encore une fois l’entrée, et monter encore d’un cran sa motivation.

Le jour même, rendez-vous était pris pour le lendemain, skis aux pieds, corde à l’épaule.

Ces journées de printemps sont particulières. La qualité de neige est variable, les approches skis sur le dos parfois longues, les sacs lourds, et l’envie de laisser repartir l’hiver parfois dominante.

Au printemps, on fait des aller-retour entre hiver et été, entre été et hiver. On hésite entre l’envie de prolonger l’hiver, et l’envie de précipiter l’été.

Et on se lève parfois tôt.

Ici, ce matin, pas trop tôt. La ligne est bien exposée, la journée n’est pas annoncée comme caniculaire, et la montée courte.

On ne croise plus beaucoup de monde. La folie d’un hiver sans station est apaisée. Les conditions ne se prêtent plus à l’absence du bureau inopinée.

 

L’itinéraire nous est bien connu, nous le parcourons depuis toujours, et depuis toujours nous observons et racontons toutes ses lignes entre nous. Avec leurs anecdotes, avec les exploits formidables, avec une affection toute subjective.

Nous avons le temps, nous avons décidé d’avoir le temps. Nous ne sommes plus aux prémices de l’hiver, lorsque les premières neiges rendent fous. Nous sommes seuls à savoir où nous allons, pas de course.

Ces moments d’intimité, d’amitié. Une bulle juste à nous, même si l’endroit est commun, nous sommes dans notre univers, le temps d’une balade. Comme en expédition, comme en compétition, comme en galère, juste une petite équipe.

Et puis nous arrivons au sommet de notre bosse.

Tellement classique, tellement sobre, tellement petite. Personne ne s’y arrête vraiment. Plus point de passage qu’objectif, plus étape que finalité, elle n’a même pas de nom sur la carte.

Et pourtant, c’est notre objectif du jour. Y monter, et y parcourir une petite ligne escarpée, aérienne, face à la vallée.

On chausse les skis, on prépare le matériel, on parle une dernière fois de l’itinéraire au futur, proche et simple la fois.

Et les premiers virages s’enclenchent.

Peu d’hésitation sur l’itinéraire cette fois, nous avons bien repéré la ligne qui s’avère bien plus logique que nous l’imaginions.

L’hésitation réside plus dans les virages qui eux sont parfois moins bons que nous l’imaginions.

Nous prenons notre temps, et nous nous émerveillons de ce qu’un itinéraire finalement si logique et joli n’ai pas plus été surveillé, peut-être jamais parcouru.

Une corde jetée sous un arbre, quelques rires encore, quelques virages aussi, et nous ressortons de notre itinéraire pour retrouver les pentes connues.

Désormais nous parlons au passé, parfait et simple.

Pleins de joie, pleins de rire, et après une descente toute printanière, nous retrouvons la route et l’été, en plein printemps.